La scène de l’entassement
de certains étudiants, à la résidence universitaire de l’Université Cheikh Anta
Diop (Ucad) de Dakar est pitoyable. Etudier sereinement devient
quasi-impossible. Au même moment,
d’autres dorment à leur aise dans leur gîte. Toutefois, un rai lumineux
rayonne, pour améliorer sensiblement leurs conditions. Si tant est que, les
concernés le souhaite.
La journée est ensoleillée.
Un vent frais et poussiéreux balaie Fann-Hock. 12h44. La circulation est
fluide. D’un côté du trottoir, un cordonnier attend patiemment des clients. Un
peu plus loin, quelques étudiantes marchandent des chaussures et des écharpes.
A quelque cent mètres de là, la cité Aliine Sitoe Jatta, ex Claudel. Sa porte
grise à l’entrée, voit défiler des étudiants et étudiantes sous la surveillance
des vigiles.
Le restaurant étant ouvert, les entrées ne sont pas filtrées. En
face, un rond-point est décoré de fleurs, accompagné d’un poteau noir avec
quatre lampes et du fer, servant à hisser le drapeau national. A gauche, se
dresse le Pavillon I peint en jaune et blanc. Sa toiture rouge-ocre, est faite
de pierres savamment taillées. Premier compartiment après les toilettes. Quatre
escaliers permettent d’accéder à la chambre 1 à droite.
Originaire de Mbour,
Marie Gomis, 22ans et en 1ère année d’Anglais, est hébergée par sa
grande sœur dans une chambre individuelle. « La cohabitation se passe très bien parce que nous avons toujours vécu
ensemble » dit-elle, tout sourire. Un petit lit, une armoire et un
placard en bois au-dessus duquel cahiers, bibles, dicos, verres et miroirs,
négligemment posés, constituent le gros du décor. Comme difficultés, elle
évoque la peine qu’elle a pour dormir ou réviser. Le vacarme des filles dans le
couloir est en cause. Qui par la musique ; qui par de bruyantes
discussions. Sara Niang, bien perché vers le réchaud, munie d’une petite
casserole, s’apprête à préparer des beignets à base de coco.
L’alimentation du
campus ne l’emballe pas. « J’accommode
de temps en temps des mets simples pour varier la nourriture ». Les
risques d’accidents sont réels, mais, elle prétend ne pas trop avoir le choix.
Collant gris, haut noir, cheveux naturels blond et marron, bien tenus par une
barrette noire, 1.70 pour 67 kg, teint clair, lèvres bien lippées de rose à
lèvre, minuscules boucles d’oreilles, l’étudiante de 22 ans précise toutefois
ne pas passer son temps à se ravaler la façade. A la cité Aliine Sitoe, se
laver ou se soulager relève d’un parcours du combattant. Les files d’attente
sont longues devant les toilettes. L’eau aussi, fait souvent défaut. Pour laver
le linge, Marie Ange Diatta nous fait comprendre que chacune achète sa ligne et
la détache après. « Le Coud n’a pas
mis à notre disposition des séchoirs. Certaines préfèrent aller dans les
toilettes, d’autres, préfèrent sortir. Chacune s’organise comme elle
peut ».
A un jet de pierre du
couloir de la mort, le pavillon J. Il est 15h. Des vendeurs de clé USB, de
carte mémoire, de seddo et de Yakalma se tiennent debout devant le couloir.
Ici, certains étudiants accrochent leurs habits à leurs fenêtres pour les
sécher. A la chambre 15, Bamba Diop, 25 ans, haut comme trois pommes, est
occupé à satisfaire la clientèle. Cet
étudiant de 25 ans, en Master 1 au département d’Anglais, est à la tête d’un
business florissant. Il travaille jour et nuit avec un ordinateur portable, un
écran plat, une imprimante, une photocopieuse et des cartouches. « C’est
une entreprise collective. Nous venons tous de Tivaoune et avons cotisé pour
acquérir le matériel. Nous parvenons à joindre les deux bouts avec ce travail »
explique-t-il. Une télévision éteinte, un ventilateur qui tourne à fond, un
carton contenant seringues, éponges et encres, constituent le reste du
cadre. Un autre ordinateur portable,
connecté à un baffle émet le clip de
Rick Ross« Thug-Cry », pour égayer la chambre. « Ses lyrics nous inspirent beaucoup, dans la
vie de tous les jours » confie l’étudiant. Le célibataire fait savoir
qu’ils sont six, dans une pièce à deux lits. Ce qui est très difficile à vivre,
mais, il s’est résolu à faire avec, en attendant de trouver mieux.
Une question
s’impose. Qui a droit aux codifications ? Harona Faye, chef de service
adjoint de l’hébergement du campus, précise que, dans les textes, seuls les
étudiants entre la licence 1 et la licence 3, doivent en bénéficier. Mais, les
étudiants passent outre, toutes leurs mises en garde, en logeant provisoirement
leurs parents et amis, à tort et à travers. « S’ils vivent dans la promiscuité, ils ne doivent s’en prendre qu’à
eux-mêmes » poursuit-il. Néanmoins, trois nouveaux pavillons d’une
capacité de 1044 lits sont en cours de construction, au niveau du stade.
« Ces édifices vont combler le gap
laissé par les bâtiments préfabriqués démolis en 2013. Ils seront fonctionnels
avant janvier 2016 » Il informe aussi, qu’ils effectuent des visites
inopinées dans les chambres, pour confisquer le matériel des étudiants qui
bravent l’interdit, pour s’adonner discrètement à ces pratiques commerciales.
« Leur sécurité est menacée, et ils
consomment énormément d’électricité » poursuit-il, amer et visiblement
impuissant. Au 17J, malgré toutes les contraintes liées à l’hébergement, ça
bavarde chaleureusement autour du thé, comme pour noyer leur ennui mélancolique
de chaque jour.