Ferrailleur à Keur Massar |
Les
ferrailleurs installés à l’arrière de l’Eglise Saint François d’Assise de Keur
Massar ne font pas bon ménage avec les paroissiens. Ces derniers se disent
dérangés dans leurs célébrations eucharistiques par des bruits de toutes sortes.
Les accusés reconnaissent leur tort mais n’ont pas d’endroit où aller.
D’un côté, il y a un
grand hangar dominé par un rouge rutilant, de l’autre côté, un pâté de maisons
inachevées, entre les deux se trouve ‘’la rue des ferrailleurs’’ battue par les
premiers vents de l’hiver. En ce début d’après-midi ensoleillé, le bruit des
marteaux et des conversations ininterrompues animent ce coin en bric-à-brac.
Des moteurs de voitures, des débris de
réfrigérateurs et d’autres gadgets en fer décorent les cantines qui longent
cette ruelle. Adossé sur une porte métallique, le visage émacié et raviné
visiblement lassé par une demi-journée de dur labeur, Aliou Niang, 41 ans est le pionnier du site. Conscient du fait que les ferrailleurs contribuent à
l’occupation anarchique de cette ruelle de la cité Caritas, il se désole de ne
pouvoir se passer de son gagne pain.’’ Je
tire l’essentiel de mes revenus de la ferraille. Nulle autre alternative ne
s’offre à moi ‘’ confie-t-il.
En cette après midi frisquette, l’activité est
à son comble. Par moments, des combats de lutte très disputés s’improvisent
entre les ferrailleurs et se terminent par des rigolades. Des marchands
ambulants aussi y écoulent leurs
produits.
Vêtu d’un tee-shirt noir
assorti d’un Jacket militaire maculé, kaki marron et une sacoche usée en
bandoulière, Aly Fall abonde dans le sens de son collègue ‘’A part quelques écueils, nous avons de très bonnes relations avec les
habitants. Cependant, il faut une bonne organisation pour travailler dans les
meilleurs conditions’’, explique t-il sans ciller.
Transit La
nature du sol est visiblement métamorphosée sous l’effet conjugué de l’huile et
d’autres produits. Ce ferrailleur
chevronné souhaitant garder l’anonymat estime qu’il n’a pas de soucis à se
faire. ‘’J’ai un titre foncier, j’ai acheté ce terrain et je l’ai transformé en
dépôt de ferraille’’, manifeste t-il sur un ton ferme. Malgré les alertes
administratives de la mairie, il reste serein sur toutes éventuelles disputes.
‘’ On m’a envoyé deux sommations. Mais
c’est juste pour me mettre la pression’’.
Dans cette coursive
bohème, de nombreux jeunes se démènent comme de beaux diables pour leur
boulot, un groupe d’enfants massé sous un hangar en zinc grelottant de froid
attire les regards. Ce sont des mendiants et ils travaillent déjà dans la
ferraille. Le corps chétif et habillé en loques, Mamadou Diallo ignore son âge :
« Chaque matin, je vais très tôt
dans la forêt chercher de la ferraille. Je revends le kilo à 50f. Notre
marabout nous demande de lui verser chaque jour 500f ».
Sous l’odeur nauséabonde
des urines, les charretiers chargent et déchargent énergiquement la ferraille.
Un véritable lieu de transit. Les salamalecs et autres jacasseries ne semblent
point déranger leur manœuvre. Sous le regard inquisiteur des passants, les
tenants de ces négoces marchandent les articles venant de Keur Massar village.
La
coupe est pleine Pour certains habitants, la coupe est
pleine. La libre circulation est difficile et l’insécurité menacée. Ils ont adressé une litanie de complaintes aux
autorités pour se débarrasser de cet encombrement occasionnant des pollutions
sonores discontinues.
Monsieur Diagne, vit depuis six ans dans ce
quartier. Dans son imposante silhouette, la barbe fournie, 70 ans, il cohabite
avec les ferrailleurs depuis 5 ans. « Leur
présence est dérangeante. Il ne se passe un jour sans histoire. Du matin au
soir, ce sont des bruits incessants. Il y a parmi eux des fumeurs de cigarette
et de chanvre indien. Nous sentons le gasoil et le diluant. Je me désole du
fait que les fidèles catholiques ne puissent passer par la porte arrière de l’église.
En tant que musulman, j’ai honte. J’ai
déjà écrit des correspondances aux autorités compétentes. Ils quitteront un
jour ou l’autre que ce soit avec cette équipe municipale ou pas »,
clame t-il.
Pourtant, Modou Gueye,
ferrailleur âgé de 50 ans évoque la gentillesse
de la communauté chrétienne pour justifier la présence des ferrailleurs sur les
lieux : « Les chrétiens ont un sens élevé de l’humanisme. C’est pourquoi
ils acceptent de nous laisser travailler ici. Nous n’osons pas nous installer
près d’une mosquée, mais nous avons rendu l’endroit propre.» soutient-il avachi
dans le siège démonté d’une voiture.
Le curé de la paroisse
saint François d’Assise de Keur Massar, Abbé Edouard Sarr, sur un ton révérencieux,
soutient avoir déposé une plainte au niveau de l’édile de la commune pour exiger leur départ.
« A cause de l’occupation des
ferrailleurs, la porte arrière est bloquée par des tuyaux, des rouleaux, des regards
pour fosse et cetera. Ce qui oblige les fidèles à faire un grand tour jusqu’à
la porte principale. C’est inadmissible.», murmure-t-il un tantinet nerveux.