Conférence à Atsa dans un
contexte de lancement de leurs activités. Atsa se veut un lieu d’échanges
féconds sur des questions d’actualité concernant la société sénégalaise.
Atsa est une association turque à but non
lucratif fondé en 2009 à Dakar par un groupe de journalistes et de chercheurs.
C’est un laboratoire d’idées où les diversités culturelles s’interpénètrent.
Atsa est né de la volonté
de construire un pont entre les civilisations et de contribuer à
l’épanouissement de la société dans laquelle nous vivons. Son objectif majeur
est d’abord d’apporter des réponses pragmatiques aux problèmes de nos sociétés.
Pour le professeur
Mamadou Sy Tounkara, animateur à la 2STV de l’émission ‘’Sénégal Ca Kanam’’,
parler de développement le ramène à la citation de Frantz Fanon selon laquelle chaque
génération, dans une relative opacité, découvre sa mission, à elle de
l’accomplir ou de la trahir. Selon lui, la mission de notre génération est de
travailler à développer nos pays.
‘’La façon dont nous
vivons actuellement est inacceptable : les paysans labourent la terre
comme le faisaient leurs arrières grands-parents ; certains boivent
toujours l’eau du marigot ou du fleuve, quand il pleut à Podor, l’île à Morphil
est coupé du Sénégal ; Kédougou est la deuxième région la plus pauvre du
Sénégal et la région du pays la plus riche en ressources naturelles. Pourtant,
sept kédovins sur 10 ne mangent pas à leur faim, n’ont pas accès aux soins de
santé primaires, leurs femmes accouchent chez des matrones ou tout simplement
sur des charrettes ; Diourbel est la région la plus pauvre du
Sénégal ; huit diourbelois sur 10 ne mangent pas à leur faim, boivent une
eau insalubre. Chez nous, jusqu’à présent, le taux de mortalité infantile est
de 52 pour mille, alors qu’en Norvège,
c’est deux pour mille. Est-ce que les Norvégiens sont meilleurs que nous’’ ?
‘’Le taux
d’analphabétisme au Sénégal est toujours de presque 60%. Notre espérance de vie
est de 60 ans environ alors que celui du japonais est de 88 ans. Ce qui veut
dire que le même sénégalais né le même jour que le même japonais mourra au
moment où le japonais vivra encore une génération entière sur terre.’’
‘’C’est tout cela qu’on
appelle le manque de développement. Et pour Tounkara, le développement, c’est
régler ses problèmes vitaux de la manière la plus satisfaisante possible, qui
vous met dans un cadre propice pour sortir toutes les énergies en soi et être
ce qu’on veut être, ne pas vouloir systématiquement devenir comme le
New-Yorkais, ne pas mourir de choses idiotes comme le paludisme, maintenant
éradiqué en France’’.
‘’Cuba est aujourd’hui à
100% de taux d’alphabétisation. Pourtant, ils sont sous blocus américain depuis
1959. Donc, Cuba n’est ni comme Paris, ni comme New-York mais, ils sont
développés en matière d’éducation. Et Cuba aujourd’hui est le pays le plus
développé au monde pour ce qui est de l’indicateur de santé. Ils ont environ
huit médecins pour 100.000 habitants alors que le pays le plus proche, c’est
l’Allemagne qui a quatre médecins pour 100.000 habitants’’.
‘’A Cuba, il y a plus
d’ordinateurs par enfants qu’aux Etats-Unis. Pour dire que développement ne
rime pas avec mimétisme aveugle’’.
‘’Le développement à mon
humble avis, dit-il s’articule autour de quatre leviers : - les
infrastructures d’éducation, de santé, de sport et de télécommunications (gain
de temps, d’argent et d’énergie.)
- l’éducation (l’ignorant
est en marge de tout ; l’Occident a dominé le monde pendant 500 ans par le
savoir, donc, sans éducation, on ne peut aller nulle part).
- l’agriculture (il faut
faire en sorte que manger devienne simple et cela implique de manger ce que
l’on produit. On doit pendre tous les sénégalais parce qu’on ne peut pas avoir
trois fleuves et continuer à importer. C’est aberrant. Nous ne sommes pas
conscients de nos richesses).
- l’industrie (c’est elle
qui nous permet de fabriquer, or, l’être humain est un homo faber. Si nous ne
sommes pas développés, c’est parce que nous ne fabriquons pas. Au Sénégal, nous
importons tout : stylos, feuilles de papier, table, micro, bâche, tissu,
veste, mèches, boucles d’oreille, et cetera.)
Pourquoi le Sénégal n’est
pas développé ? Voici une question très complexe avec une réponse très
simple. C’est parce que nous n’avons pas travaillé au développement. Le Sénégal
a tout ce dont un être humain a besoin : on a un océan, 720 km de côtes,
trois fleuves : Gambie, Sénégal, Casamance ; 14 lacs, l’un des neuf
pays au monde avec un lac de couleur rose, une terre fertile, des forêts, des
êtres intelligents, un peu de pétrole, du fer, de l’or, de l’argent, du zircon
(2ème minerai le plus riche au monde après le diamant), du
phosphate, de l’arachide. Rien ne nous manque.
On ne peut pas non plus
nous développer sans industrie (Sococim n’est pas à nous, on a vendu la Sar et
les Ics, la Sonacos appartient à un privé Abbas Jaber, la Sonatel est pour
France Télécom. Et d’après le président du Mouvement des entreprises du
Sénégal, 313 entreprises ont mis la clé sous le paillasson l’année dernière.
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