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mercredi 18 mars 2015

L’occupation anarchique des ferrailleurs à Keur Massar: Quand le capital entrave le culte






Ferrailleur à Keur Massar
Les ferrailleurs installés à l’arrière de l’Eglise Saint François d’Assise de Keur Massar ne font pas bon ménage avec les paroissiens. Ces derniers se disent dérangés dans leurs célébrations eucharistiques par des bruits de toutes sortes. Les accusés reconnaissent leur tort mais n’ont pas d’endroit où aller.


D’un côté, il y a un grand hangar dominé par un rouge rutilant, de l’autre côté, un pâté de maisons inachevées, entre les deux se trouve ‘’la rue des ferrailleurs’’ battue par les premiers vents de l’hiver. En ce début d’après-midi ensoleillé, le bruit des marteaux et des conversations ininterrompues animent ce coin en bric-à-brac. 

 Des moteurs de voitures, des débris de réfrigérateurs et d’autres gadgets en fer décorent les cantines qui longent cette ruelle. Adossé sur une porte métallique, le visage émacié et raviné visiblement lassé par une demi-journée de dur labeur,  Aliou Niang, 41 ans est le pionnier du site. Conscient du fait que les ferrailleurs contribuent à l’occupation anarchique de cette ruelle de la cité Caritas, il se désole de ne pouvoir se passer de son gagne pain.’’ Je tire l’essentiel de mes revenus de la ferraille. Nulle autre alternative ne s’offre à moi ‘’ confie-t-il.

 En cette après midi frisquette, l’activité est à son comble. Par moments, des combats de lutte très disputés s’improvisent entre les ferrailleurs et se terminent par des rigolades. Des marchands ambulants aussi y  écoulent leurs produits. 

Vêtu d’un tee-shirt noir assorti d’un Jacket militaire maculé, kaki marron et une sacoche usée en bandoulière, Aly Fall abonde dans le sens de son collègue ‘’A part quelques écueils, nous avons de très bonnes relations avec les habitants. Cependant, il faut une bonne organisation pour travailler dans les meilleurs conditions’’, explique t-il sans ciller.

Transit La nature du sol est visiblement métamorphosée sous l’effet conjugué de l’huile et d’autres produits.  Ce ferrailleur chevronné souhaitant garder l’anonymat estime qu’il n’a pas de soucis à se faire. ‘’J’ai un titre foncier, j’ai acheté ce terrain et je l’ai transformé en dépôt de ferraille’’, manifeste t-il sur un ton ferme. Malgré les alertes administratives de la mairie, il reste serein sur toutes éventuelles disputes. ‘’ On m’a envoyé deux sommations. Mais c’est juste pour me mettre la pression’’.

Dans cette coursive bohème, de  nombreux jeunes  se démènent comme de beaux diables pour leur boulot, un groupe d’enfants massé sous un hangar en zinc grelottant de froid attire les regards. Ce sont des mendiants et ils travaillent déjà dans la ferraille. Le corps chétif et habillé en loques, Mamadou Diallo ignore son âge : « Chaque matin, je vais très tôt dans la forêt chercher de la ferraille. Je revends le kilo à 50f. Notre marabout nous demande de lui verser chaque jour  500f ».

Sous l’odeur nauséabonde des urines, les charretiers chargent et déchargent énergiquement la ferraille. Un véritable lieu de transit. Les salamalecs et autres jacasseries ne semblent point déranger leur manœuvre. Sous le regard inquisiteur des passants, les tenants de ces négoces marchandent les articles venant de Keur Massar village.

La coupe est pleine Pour certains habitants, la coupe est pleine. La libre circulation est difficile et l’insécurité menacée. Ils  ont adressé une litanie de complaintes aux autorités pour se débarrasser de cet encombrement occasionnant des pollutions sonores discontinues.

 Monsieur Diagne, vit depuis six ans dans ce quartier. Dans son imposante silhouette, la barbe fournie, 70 ans, il cohabite avec les ferrailleurs depuis 5 ans. « Leur présence est dérangeante. Il ne se passe un jour sans histoire. Du matin au soir, ce sont des bruits incessants. Il y a parmi eux des fumeurs de cigarette et de chanvre indien. Nous sentons le gasoil et le diluant. Je me désole du fait que les fidèles catholiques ne puissent passer par la porte arrière de l’église. En tant que musulman, j’ai honte.  J’ai déjà écrit des correspondances aux autorités compétentes. Ils quitteront un jour ou l’autre que ce soit avec cette équipe municipale ou pas », clame t-il.

Pourtant, Modou Gueye, ferrailleur âgé de 50 ans  évoque la gentillesse de la communauté chrétienne pour justifier la présence des ferrailleurs sur les lieux : « Les chrétiens ont un sens élevé de l’humanisme. C’est pourquoi ils acceptent de nous laisser travailler ici. Nous n’osons pas nous installer près d’une mosquée, mais nous avons rendu l’endroit propre.» soutient-il avachi dans le siège démonté d’une voiture.

Le curé de la paroisse saint François d’Assise de Keur Massar, Abbé Edouard Sarr, sur un ton révérencieux, soutient avoir déposé une plainte au niveau de l’édile  de la commune pour exiger leur départ. « A cause de l’occupation des ferrailleurs, la porte arrière est bloquée par des tuyaux, des rouleaux, des regards pour fosse et cetera. Ce qui oblige les fidèles à faire un grand tour jusqu’à la porte principale. C’est inadmissible.», murmure-t-il un tantinet nerveux.






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